8 mars : interview avec la députée Latifa Aït Baala

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Votre parcours scolaire et professionnel ?

Je suis une femme d’origine marocaine, arrivée en Belgique en tant qu’expatriée française. Au fil du temps, je me suis pleinement investie dans la société belge et j’ai embrassé activement la politique, en rejoignant le parti MR (Mouvement Réformateur). Il y a 20 ans, j’ai été candidate aux élections européennes, marquant ainsi le début de mon engagement politique. Mon parcours académique m’a conduit à étudier en France et en Suisse, où je me suis spécialisée en droit européen et en études de genre.

Professionnellement, j’ai eu l’opportunité de travailler aux Nations unies, où j’ai été confrontée à la diplomatie internationale et aux enjeux des droits humains à l’échelle mondiale. Mon passage au Parlement européen a renforcé mon désir de m’impliquer d’avantage dans la politique, en particulier pour répondre aux fractures sociales et territoriales que j’ai observé à Bruxelles.

Au sein du MR, j’ai occupé divers postes, notamment celui de vice-présidente des femmes et j’ai contribué à des initiatives visant à promouvoir l’éducation permanente, en particulier pour les femmes lors de ma présidence au sein de l’ILFAC (Institut Libéral de Formation et d’Animation Culturelles). Actuellement, je suis députée bruxelloise, continuant ainsi mon engagement politique et mon désir de faire progresser les valeurs qui me sont chères, telles que la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité.

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre parcours au sein du Parlement bruxellois, et sur cette mandature qui se termine le 9 juin et de vos objectifs pour la prochaine ?

Alors je crois qu’il n’aura échappé à personne qu’en fait cette législature a été marquée d’abord par une crise sanitaire, ensuite par une crise énergétique. Et donc quelque part notre mandature s’est imposée au fond à notre agenda politique, au moins ces deux volets- là.

Ces événements ont mis en lumière les défis auxquels notre région est confrontée, et à la nécessité de répondre rapidement et efficacement. Malheureusement, en tant parti de l’opposition, nos propositions ont été systématiquement rejetées par la majorité.

Cependant, je suis fière de travailler au sein d’un groupe politique paritaire, où huit députées femmes et huit députés hommes collaborent activement. Cette parité reflète notre engagement en faveur de l’égalité des sexes et de la représentation équilibrée au sein de nos institutions.

Mon engagement s’est concentré sur plusieurs domaines clés, notamment les finances publiques, l’emploi, la formation et l’entrepreneuriat des femmes. Sur le plan financier, j’ai soulevé des préoccupations concernant la dette croissante de notre région, soulignant la nécessité d’une analyse approfondie de la situation budgétaire et d’une meilleure prise en considération de l’impact des politiques publiques sur le genre.

En ce qui concerne l’emploi et la formation, j’ai plaidé en faveur d’une plus grande valorisation de l’apprentissage en alternance, soulignant son importance pour l’émancipation économique des individus. De plus, j’ai déposé des propositions visant à promouvoir l’entrepreneuriat féminin et à faciliter l’accès des femmes aux financements et aux ressources nécessaires pour démarrer leur propre entreprise.

En matière de logement, j’ai souligné l’urgence d’agir face à la crise du logement qui touche de nombreuses familles bruxelloises. J’ai plaidé en faveur de mesures telles que l’allocation loyer, qui permet aux ménages les plus vulnérables de bénéficier d’une aide financière pour alléger le poids de leur loyer.

Enfin, j’ai insisté sur la nécessité d’une action plus proactive en matière de sécurité et de lutte contre la drogue. J’ai souligné l’importance de coordonner les efforts entre les autorités régionales et fédérales pour répondre efficacement à ces défis, tout en appelant à une prise de conscience plus grande de la part de mes collègues politiques sur ces questions cruciales.

En tant que femme et surtout en tant que femme en politique, quel est votre réalité sur le terrain ? Est-ce difficile au quotidien de se faire entendre ?

Je pense que la réalité sur le terrain montre clairement que malgré les avancées vers l’égalité revendiquée par la société, les femmes, notamment en politique, rencontrent encore de nombreux défis. En tant que femme politique, il est souvent difficile de se faire entendre, surtout si l’on affiche un caractère affirmé. Bien que notre parti ait eu une première ministre, les combats pour les droits des femmes restent largement portés par des femmes, ce qui souligne le besoin continu de voix féminines dans les sphères politiques.

Personnellement, j’ai dû forger une carapace pour affronter les obstacles, que ce soit sur le terrain ou au sein du Parlement. Malgré les progrès apparents, certaines attitudes et conceptions dépassées persistent, ce qui peut rendre notre travail difficile voire mettre en danger notre sécurité.

Il est indéniable que les femmes politiques soient souvent confrontées à des menaces et des discriminations spécifiques, qui reflètent une vision de la femme comme un être inférieur et vulnérable. Cette perception, associée à des rapports de genre inégalitaires, crée un environnement où les femmes doivent souvent travailler deux fois plus dur pour obtenir la même reconnaissance que leurs homologues masculins.

Pour surmonter ces défis, il est crucial de sensibiliser et d’éduquer à l’égalité des genres à tous les niveaux de la société. L’élimination des stéréotypes de genre dès le plus jeune âge est essentielle pour construire un avenir où les femmes sont pleinement valorisées et représentées dans tous les domaines de la vie publique et politique.

Avez-vous des enfants ? Des filles ? Si oui, quels conseils leur donnez-vous et quels conseils donneriez-vous à toutes les jeunes filles qui grandiront pour devenir des femmes de demain ?

Je suis maman d’une fille, aujourd’hui kinésithérapeute. Je crois fermement en l’importance de l’éducation et de la formation, un principe que j’ai transmis à ma fille. Ma propre mère m’a toujours enseigné que l’indépendance financière est cruciale pour les femmes, même celles qui choisissent de rester à la maison. Je suis heureuse d’avoir pu expérimenter cette indépendance dans ma propre vie.

Je suis convaincue que l’autonomie financière est un élément-clé de la liberté individuelle. C’est cette conviction qui nous différencie, je pense, de certaines idéologies politiques. Pour moi, il est essentiel de pouvoir mener sa vie comme on l’entend, sans dépendre de la société.

Je suis convaincue que les femmes doivent se former aux métiers d’avenir, non seulement pour leur propre autonomie, mais aussi pour rester connectées au monde qui évolue rapidement. J’encourage donc vivement la formation, tout en soulignant l’importance de choisir un chemin de vie nous permettant d’être maîtres de notre destin.

Cependant, je suis consciente que certaines personnes, en raison de circonstances particulières telles qu’un handicap ou des problèmes de santé, auront besoin de la solidarité de la société. Cependant, je crois fermement que si la majorité des individus prend en charge leur propre vie, la solidarité peut être financièrement possible.

Wojslawowicz Wiktoria