Covid-19 : le symptôme d’une Europe dépassée ?

L’épidémie du covid-19 vient s’ajouter à la polycrise que connaît l’Union européenne depuis une dizaine d’années (crise migratoire, montée des populismes, Brexit, cohésion de la zone euro, défi climatique…). Elle pourra en sortir grandie. Et si cela devait se traduire par un changement de modèle et par la consécration d’une Union européenne fédérale ?

Malheureusement, c’est le chaos qui a, dans un premier temps, régné en Europe. Le débat au sujet d’une réponse financière solidaire de l’Union a été l’un des plus gros scandales de la crise COVID-19 que nous connaissons actuellement. Le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte a confirmé son opposition aux « coronabonds » qui reviendraient pour son pays à être solidaire de tous les autres. Suite au tollé que cela avait provoqué, il a proposé quelques jours plus tard un « fonds de solidarité » de 10 à 20 milliards pour l’Italie et l’Espagne.

En parlant de l’Italie, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a même été jusqu’à présenter des excuses publiques aux citoyens italiens pour le manque de solidarité et de réactivité de l’Union Européenne.

En Europe de l’Est, si pour certains il est nécessaire d’adopter un autre comportement que d’habitude, pour d’autres, l’exceptionnelle situation fait rejaillir le naturel. Nous pensons ici à la Hongrie, où il semble que le temps soit à la dictature, n’est-ce pas M. Orban?

Un autre exemple de cacophonie européenne est la réquisition, par le Premier ministre français, de masques appartenant à la société suédoise Mölnlycke et destinés à l’Espagne et à l’Italie. En plus de susciter des tensions dans les 2 pays, cette saisie est contraire aux règlements du marché intérieur européen.

Enfin, terminons quand-même sur une note positive. Après une réunion entre les ministres des Finances ce jeudi 9 avril, des accords ont été trouvés sur une série d’aide financière et un fonds de relance pour sortir l’UE de cette crise économique. Mieux vaut donc tard que jamais…

L’Union européenne, fidèle à sa devise “In varietate concordia[1], prend des initiatives malgré les cris d’orfraie des détracteurs du projet européen et de la désinformation de Moscou et Pékin.

En effet, il est de bon ton de rappeler que l’UE ne définit pas les politiques de santé, ni l’organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux, contrairement aux gouvernements nationaux. Son action consiste plutôt à compléter les politiques nationales et à soutenir la coopération entre les États-membres dans le domaine de la santé publique – un seul article existe en matière de santé, à savoir l’article 168 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) –.

Dans cette crise, nous constatons que chaque institution européenne a donc usé des instruments qui sont à sa disposition pour atténuer les conséquences de la pandémie et ce, même si la mise en place de ces mesures fut tardive – ce que nous regrettons.

Le Parlement européen a voté en faveur d’une mobilisation de 37 milliards d’euros d’investissements publics pour faire face à la crise provoquée par le covid-19. Ces montants se basent sur différents fonds créés pour soutenir les États-membres de l’UE et les pays en voie d’adhésion dans des situations de catastrophe majeure.[2]

L’une des décisions qu’a prise la Commission européenne était de fermer les frontières extérieures. Il faut garder à l’esprit qu’instaurer un état de « confinement » et fermer les frontières d’un pays ne peut se décider qu’au niveau national. Parallèlement, elle a décidé de mobiliser 140 millions d’euros de fonds de l’UE pour soutenir la recherche visant à mettre au point un vaccin, des nouveaux traitements et des tests de diagnostic.

Elle a alloué 47,5 millions d’euros à 17 projets de recherche contre le covid-19 dans le cadre du programme « Horizon 2020 ». Ces mesures rendent possible des tests de diagnostic rapides pouvant être effectués à proximité directe du patient, de nouveaux traitements et le développement de nouveaux vaccins. Un investissement total de 90 millions d’euros est attendu dans l’Initiative en matière de médicaments innovants (IMI), un partenariat public-privé entre la Commission et l’industrie pharmaceutique a lancé un appel urgent à des propositions de recherche. Ajoutons à cela qu’une aide financière de 80 millions d’euros a été octroyée à une entreprise allemande spécialisée dans le développement de vaccins innovants.[3] De plus, la Commission exonère de droits de douane et de TVA les importations d’équipements médicaux en provenance de pays tiers[4].

De plus, en vertu de l’article 107 du TFUE, la Commission européenne a le rôle de contrôler les aides financières octroyées par les États à leurs entreprises nationales. Dans une communication officielle, elle a souligné que les règles de l’Union aux États-membres peuvent servir à soulager les entreprises, en particulier les PME afin de leur permettre de surmonter la situation actuelle.[5]

L’Union européenne répond aussi à la critique, qui lui ait régulièrement faite, quant à sa rigidité sur le plan des finances étatiques en suspendant le Pacte de stabilité pour permettre aux Etats-membres de dépenser autant d’argent que la crise actuelle le demande. Cet accord avait pour but de préserver l’équilibre économique et budgétaire, au sein de l’Union, par l’interdiction pour les États parties à ce traité, de dépasser 3% de déficit et 60% de dette publique quant à son PIB.[6]

Suite à ces différents éléments, les Jeunes MR ne peuvent que rappeler leur positionnement prônant une réforme de l’Union européenne actuelle : nous souhaitons la mise en place d’un Espace Européen (EE) qui reprendrait les contours de l’Union à 27 et qui aurait les compétences exclusives d’une zone de libre-échange, et d’une Union Fédérale Européenne (UFE) à l’intérieur même de l’EE, qui pourrait correspondre à la Zone Euro actuelle (18 membres) et dont les compétences comprendraient un ensemble de matières intégrées au niveau européen.

Il est temps de donner à l’Europe les moyens de ses ambitions. Et cela passera inévitablement par l’intégration européenne. Car si cette crise nous montre quelque chose, c’est la nécessité de réponse coordonnée. La solution est de délier les mains d’une Europe qui ne demande qu’à faire ses preuves.

Concernant les compétences, il va de soi que dans le cadre d’un tel projet, une redistribution des compétences semble nécessaire voire inévitable pour permettre à l’Union européenne de légiférer et donc de poser des actes contraignants envers les États. Cela devrait se faire pour des compétences qui jusqu’à maintenant relevaient en grande partie de la souveraineté des États-membres – l’Europe n’ayant donc plus guère qu’un rôle de soutien –. Il n’est pas nécessaire de pousser la réflexion si loin pour observer un manque de réactivité de la part des 27 pays européens : le simple fait d’obtenir une période de transposition de 5 ans après le vote d’une résolution en dit déjà assez à ce sujet.

À titre d’exemple, la santé, la fiscalité ou même la défense avec la création d’une armée européenne pourraient dès lors être du ressort de l’UFE. Pour rendre l’Europe plus efficace, il faut plus d’Europe, une Europe simplifiée et transparente.

En donnant ainsi plus de responsabilités à l’Europe, nous augmentons également son champ d’action et rendons les différentes structures européennes plus fortes. Quel est l’intérêt des centres de recherches et de préventions européens s’ils ne sont que consultés de temps à autres pour se donner bonne conscience ? Ces structures doivent servir de références et ne plus faire partie de l’arrière-plan européen. Elles doivent être entières et prêtes à agir en cas de crise telle une task force, un groupe constitué pour mener à bien une mission particulière.

En 2015 déjà, certains s’exprimaient en faveur de la mise sur pied d’une entité médicale globale -en parallèle à l’OTAN – en charge du maintien de la paix – qui, elle, s’occuperait d’éventuelles crises sanitaires mondiales telles que celle que nous vivons actuellement. Pour le moment, nous ne pouvons que constater que la coordination de ces différents outils européens n’est pas à la hauteur. Nous en sommes les tristes témoins en cette période de crise.

Pourtant l’Europe possède déjà plusieurs outils salvateurs : le Centre de Coordination de la Réaction d’urgence (CCRU) et le Centre Européen de Prévention et de Contrôle des Maladies (CEPCM). L’un permet la coordination des mécanismes de protection civile européens, l’autre est une agence européenne chargée de la prévention et du contrôle des maladies et affections transmissibles.

Mais pourquoi ces outils ne sont-ils pas utilisés au maximum de leur potentiel ? On le sait, en temps de crise, une réponse dynamique et rapide est indispensable. Aujourd’hui, ces outils sont sollicités par les États-Membres ou par les institutions européennes ce qui explique la lenteur de leur mobilisation. Dans une Union Fédérale Européenne (UFE), ces deux entités – qui pourraient être fusionnées – seraient les moteurs d’une réponse efficace à une crise sanitaire comme celle que l’on connaît aujourd’hui. Cela passerait par une gestion logistique et préventive du matériel en termes de déploiement, de quantité et d’accès (masques, gants, EPI, tests de diagnostic, respirateurs, …) mais aussi par une capacité de mobilisation de moyens humains (docteurs, infirmiers, ambulanciers, …) à travers l’Europe.

Elles seraient chapeautées par une Direction Générale de la Santé attachée à un Commissaire européen spécifique. Elles permettraient de réaliser des simulations à grande échelle contre les virus ou toute autre pandémie et permettraient de développer une réponse coordonnée, organisée et régulée selon un schéma pré-établi. Le corps médical serait donc formé et professionnalisé de manière identique permettant ainsi, une action rapide entraînant une diminution drastique du nombre de victimes et de conséquences toutes plus regrettables les unes que les autres.

Notre société est en évolution permanente. La crise que nous traversons nous fait prendre conscience qu’il faut avancer et s’améliorer. Empêcher le projet européen de se réformer en parallèle est un non-sens. Il faut se souvenir que tenter de répondre aux problèmes du siècle prochain avec des réponses du précédent n’a aucun sens.

Les pères fondateurs du projet européen que sont Robert Schuman, Jean Monnet ou Paul-Henri Spaak n’avaient jamais rêvé d’une institution figée dans la pierre. L’Union Économique et Monétaire n’était qu’une étape comme l’a été la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) pour la reconstruction de notre continent après la seconde guerre mondiale.

Soyons les dignes héritiers du rêve européen et donnons à notre Union les outils pour répondre aux problèmes de demain.

Nous sommes les Jeunes MR et nous voulons plus d’Europe.

Les auteurs : Gilles Bruck, Laura Hidalgo, Julien Liégeois, Florent Rasseneur, Alexandre Servais et Guillaume Soupart

[1] Unis dans la diversité.

[2] Commission européenne, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) nº 2012/2002 du Conseil en vue de fournir une aide financière aux États membres et aux pays dont l’adhésion à l’Union est en cours de négociation qui sont gravement touchés par une urgence de santé publique majeure, 13 mars 2020, COM/2020/114 final.

[3] Commission européenne, Coronavirus : la Commission propose un financement au laboratoire CureVac qui développe des vaccins innovants, 16 mars 2020, disponible surwww.ec.europa.eu/commission/presscorner ; Actualité du Parlement européen, L’Union européenne soutient la recherche pour lutter contre le covid-19, 31 mars 2020, disponible surwww.europarl.europa.eu/news.

[4] Commission européenne, Coronavirus : la Commission exonère de droits de douane et de TVA les importations d’équipements médicaux en provenance de pays tiers, 3 avril 2020, disponible surwww.ec.europa.eu/commission/presscorner.

[5] Commission européenne, Communication de la Commission Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19, 20 mars 2020, 2020/C 91 I/01.

[6] Commission européenne, Coronavirus : La Commission propose d’activer la clause dérogatoire générale du cadre budgétaire pour faire face à la pandémie, 20 mars 2020, disponible surwww.ec.europa.eu/commission/presscorner.