Par Pierre-Antoine Meurisse, journaliste Piccolo
L’urbanisation est une tendance majeure depuis plusieurs dizaines d’années et ce phénomène se poursuivra encore dans les prochaines années, accompagnant l’accroissement démographique mondial. Les conclusions récentes du rapport des Nations Unies sur les perspectives démographiques ont revu à la hausse l’estimation de la population mondiale. Elle devrait atteindre 9,6 milliards en 2050. Avec une proportion estimée de 75% en ville, plus de 7 milliards d’habitants y seront donc concentrés.
Par ailleurs, la surface des terres agricoles ne cesse de diminuer laissant place aux infrastructures humaines. Cette situation interpelle et, réinvestir dans des surfaces non-conventionnelles en ville pour y produire des denrées, pourrait contribuer en partie à nourrir l’humanité et plus spécialement les citadins.
Dans la majorité des grandes villes d’Europe, de plus en plus de projets intégrant l’agriculture urbaine voient le jour. La Belgique n’est pas en reste car des villes comme Bruxelles, Gand et Liège montrent l’exemple.
En Belgique, ce secteur se caractérise par la construction annuelle de plus de 7000 bâtiments résidentiels ou non. Ce secteur est donc un levier essentiel pour aboutir à l’intégration réussie de l’agriculture urbaine et répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. Ainsi, l’intégration de diverses formes de végétation dans les villes aiderait à soulager ces problèmes par le rétablissement des services écosystémiques.
Au-delà de l’intérêt majeur de produire autour et dans la ville, l’agriculture urbaine se caractérise par sa multifonctionnalité, dans l’idée qu’elle répond à de nombreux enjeux sociaux, économiques, environnementaux et territoriaux. Comme le montre la figure ci-dessous, l’agriculture urbaine peut jouer un rôle important dans de nombreux domaines qui sont tous interconnectés d’une manière ou d’une autre.

Environnement :
L’agriculture urbaine peut répondre aux problèmes soulevés par le contexte urbain tout en contribuant au développement et à la multiplication des espaces verts en ville. Il permet donc de réduire les effets négatifs liés à l’imperméabilisation des sols et les effets d’îlots de chaleur. Les végétaux agissent comme des climatiseurs en ville, réduisant les poussières et les émissions de CO2 grâce à leur feuillage. L’augmentation du couvert végétal permet d’augmenter la biodiversité urbaine en aménageant des espaces où la faune et la flore peuvent se reproduire et se nourrir. La production alimentaire de saison réduit la pollution occasionnée par les transports.
Aménagement urbain :
Étant donné que cette agriculture prend place au sein des villes, elle participe à l’aménagement du territoire en s’intégrant dans la trame urbaine et renforce les espaces verts déjà présents. L’agriculture urbaine contribue à l’émergence des projets urbanistiques avec divers objectifs menés par des acteurs différents. De plus, elle peut servir de levier pour la revitalisation d’espaces délaissés ou peu exploités par les communes et restitués aux citoyens des villes. Elle crée de nouveaux espaces publics dans le paysage urbain.
Loisirs :
Le jardinage et maraîchage peuvent être perçus comme un passe-temps ou une activité positive. Ces activités permettent de pratiquer une activité physique en plein air proche de notre lieu de vie, à moindre coût.
Injustice alimentaire :
La production au sein et à proximité des villes, pourrait permettre de rendre ces dernières plus résilientes face aux crises qu’elles peuvent traverser. Les circuits courts de distribution améliorent la sécurité alimentaire. La disparité économique entre les classes sociales les plus riches et les plus pauvres tend à montrer un déséquilibre quant à l’accès à une nourriture de bonne qualité. Les plus démunis n’ont pas la capacité financière de pouvoir se nourrir sainement à l’instar des classes sociales plus riches qui disposent des moyens nécessaires. L’autoproduction permet de produire une partie des aliments et de réduire ses dépenses.
Santé :
La production d’aliments frais n’ayant pas subi les mêmes techniques de production (agriculture conventionnelle, distances de transport et réfrigération) permet d’avoir de meilleurs bilans nutritionnels. De plus, l’activité de jardinage est bénéfique pour la santé, car elle contribue à maintenir une activité physique régulière. De nombreuses études ont déjà prouvé que cette activité présentait des avantages pour l’aspect mental : réduction des maladies chroniques, relaxation, ressourcement et bien-être.
Economie :
L’agriculture urbaine peut créer une multitude d’emplois locaux de la production jusqu’à la distribution voir la préparation/transformation des produits cultivés autant dans le milieu associatif que privés. Au sein des exploitations : les fermes de petite taille génèrent davantage d’emploi que les grandes fermes.
Education et interaction sociale :
L’agriculture urbaine peut être un outil éducatif afin de sensibiliser les populations urbaines à l’environnement et au processus de production d’un aliment. Au sein même d’un jardin, des transmissions de savoirs s’échangent entre les acteurs (qu’ils soient professionnels ou non) via la pratique du jardinage. La sphère sociale a toujours été présente dans l’agriculture urbaine comme en témoignent les jardins communautaires. Elle offre un contexte favorable pour l’inclusion sociale utile pour faire de la réinsertion auprès d’individus dans une situation d’isolement social. Ce sont des lieux qui favorisent les échanges entre individus de toutes classes sociales et intergénérationnelles. Afin de favoriser les jeunes générations à l’environnement, les écoles peuvent intégrer des potagers et proposer des activités pour les sensibiliser.
Pour finir, les projets d’agriculture urbaine se multiplient dans notre pays et c’est une véritable aubaine. Mais l’aspect alimentaire n’est pas l’essentiel. Il est évident qu’on ne pourra jamais nourrir une population urbaine uniquement avec des potagers urbains. D’autres aspects importants sont à prendre en considération. Avec le développement continu des villes, cette forme d’agriculture a de beaux jours devant elle …