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LA VIOLENCE NE CONSTRUIT RIEN

Ce dimanche 4 mai 2025, des violences ont éclaté en marge de la finale de la Coupe de
Belgique de football. Des hooligans brugeois ont attaqué des citoyens bruxellois, et une réplique tout aussi violente leur a été opposée par ces derniers. À raison, les réseaux sociaux s’enflamment, les politiques s’en mêlent, et une nouvelle fois, notre pays est frappé par des tensions communautaires qui s’accroissent. Je souhaite mobiliser ce triste événement pour soulever un constat : dans des moments de crise, le paysage politique belge ne débat plus, il se divise. Et c’est un problème pour notre démocratie.

RAPPEL DES FAITS

Dimanche dernier, peu avant que la finale de la Coupe de Belgique de football ne débute, une dizaine de supporters brugeois cagoulés ont déboulé dans les rues de la capitale. Problème, ils ne sont pas aux abords du stade, mais dans une zone bien éloignée de celui-ci et aucunement sur le chemin vers les tribunes. Les caillassages et agressions à caractère raciste se multiplient, et les blessés bruxellois s’accumulent.

La police n’étant pas présente aux moments des faits, ce sont alors les bruxellois eux-mêmes qui ont décidé de se faire justice, et ont rappliqué en agressant plusieurs supporters brugeois quelque peu après les incidents décrits ci-dessus.

Résultat, plusieurs blessés (dont des policiers), une soixantaine d’arrestations administratives, un tollé de réactions politiques et citoyennes, et finalement, une question qui se pose : comment cela a-t-il pu arriver ?

UN DÉBAT INVISIBILISÉ

Le but de mon article n’est pas de faire le justicier, ni même de rajouter une couche au scandale qu’ont constitué ces incidents : c’est même tout l’inverse. S’indigner est normal, manifester est un droit, et faire entendre sa colère tout autant, mais où sont les politiciens qui font un pas en arrière, se placent au-dessus de la mêlée, et se mettent autour d’une table pour discuter des causes profondes ayant pu engendrer ces incidents ?

Avons-nous perdu le sens des responsabilités ? Je dois probablement être utopiste, mais dans ma conception de la politique, après des incidents comme ceux qu’on vient de vivre, le lendemain, au soir, deux acteurs politiques se confrontent en prime-time sur une chaîne de télévision : un représentant du gouvernement, et un représentant de l’opposition. Avec calme et respect, ils discutent de ce qui n’a pas été, de ce qui a causé ceci, et de ce qui peut
et va être fait pour régler cela.

Ne méprenez pas mes propos, je ne dis pas que la gronde populaire ne doit pas avoir lieu. Je ne dis pas non plus que les politiques doivent être déconnectés de la réalité. Ce que je dénonce, c’est un surplus de manifestations populaires des forces politiques d’opposition, et une absence problématique de débats constructifs avec la majorité.

Est-ce une stratégie populiste, révolutionnaire, contestataire ? En tout cas, c’est une manière de faire de la politique qui prône la violence au lieu de l’écoute ; les punchlines plutôt que les discours construits ; les indignations au détriment des solutions.

LE PAYS DU CONSENSUS ET DU DIALOGUE, VRAIMENT ?

C’est tout naturellement vers cette interrogation que je me dirige pour conclure cet article : si le dialogue entre l’opposition et la majorité n’existe plus dans les moments de crise les plus intenses — comme celui qu’a traversé le pays dimanche dernier, et qui est le reflet d’une tension communautaire palpable dans la société — alors a-t-on perdu notre culture du dialogue et du consensus ? Cette culture et tradition qui ont tant mis en valeur notre pays aux yeux des autres puissances européennes et mondiales.

Où est la diplomatie lorsque l’opposition ne souhaite plus dialoguer constructivement avec la majorité ? Avons-nous, face à nous, des forces politiques qui sont véritablement prêtes à gouverner dans le futur ? Comment faire pour redonner envie aux citoyens de s’intéresser à la politique si même les politiques ne s’intéressent pas à leurs propres pairs ?

Tant de questions qui suscitent la réflexion sur ce climat de tension permanent qui anime notre société depuis plusieurs mois maintenant. Il y a, derrière, toute une génération qui regarde ce que font leurs aînés et qui se demande si son engagement politique va encore mener à quelque chose. Dans cette société divisée, y a t-il encore un chemin par lequel on recollerait les bouts d’un vase brisé pour retrouver foi en notre classe politique ?

Pendant que la majorité s’efforce de construire un projet cohérent, l’opposition gronde et ne propose rien de constructif. On dit souvent que la violence ne résout rien, et c’est vrai. Sauf qu’ici, il n’est plus question de résoudre, il est question de construire. Construire un meilleur vivre ensemble, construire un pays plus fort économiquement, socialement, diplomatiquement. Et pour ça aussi, la violence est contre productive.

La grande plaie de notre système politique n’est pas le manque de motivation des citoyens ou des politiques, on le constate bien avec les mouvements électoraux, ou même les engagements citoyens qui explosent, mais bien le fait que cette énergie soit mise au service de l’accroissement d’une division de la société plutôt qu’au profit de la construction d’un projet rassembleur.

S’engager pour des causes est devenu monnaie courante, mais s’engager pour des valeurs beaucoup moins. La construction, le dialogue, le respect : incarnons une jeunesse friande de diplomatie et de consensus, et essayons d’apporter notre contribution à cette société qui en a grand besoin.

Denis Sova
Rédacteur