Le point de vue d’une mandataire publique au coeur de l’action pour lutter, au niveau local, contre le coronavirus, nous le recevons d’Alice Leeuwerck. Elle est bourgmestre Jeune MR de Comines-Warneton depuis 2018.
Cindy Claeys, notre journaliste Piccolo, l’a rencontré pour faire le point sur la gestion de cette crise.

Quelles mesures as-tu prises à Comines-Warneton pour lutter contre la crise sanitaire?
La commune de Comines-Warneton a connu un grand élan de solidarité durant la crise, que ce soit pour la confection de masques ou la livraison de courses à domicile.
Mon objectif principal au début de la pandémie était de toucher tout le monde avec une communication précise, que ce soit les jeunes via Internet mais aussi les personnes plus âgées et isolées sans télévision et sans Internet. Une grande partie de cette communication en ligne est passée par les réseaux sociaux (compte Instagram de la ville, etc.). Nous avons également créé plusieurs supports comme des bandes dessinées ou des communiqués que nous diffusions régulièrement. Nous faisions aussi circuler les informations issues des autres niveaux de pouvoir pour que nos citoyens et citoyennes soient au courant de tout. Dans ce travail de communication, nous avons aussi édité avec l’aide de l’asbl “Comines Contact Culture” des petits journaux d’informations avec des lettres et des jeux.
A la mi-mars, nous avons aussi lancé l’initiative “Masque citoyen”. Il s’agissait d’un réseau de bénévoles qui confectionnaient des masques. Les autorités communales fournissaient les matériaux nécessaires ainsi qu’un mode d’emploi à destination des habitants pour expliquer comment porter ces masques. C’était la commune qui s’occupait également de les distribuer. En tout, c’est plus de 14.000 masques qui ont été confectionnés pour plus ou moins 18.500 habitants. Cette initiative bénévole nous a permis de réagir rapidement et d’éviter de perdre du temps en passant par les procédures classiques de marché public et gérer les ruptures de stock.
Nous avons également mis en place une ligne téléphonique pour appeler régulièrement les aînés pour prendre de leurs nouvelles et leur proposer de l’aide.
L’école des devoirs s’est aussi impliquée notamment en livrant à domicile des exercices pour les enfants qui en avaient besoin et en faisant une remédiation via Facebook pour les jeunes. De plus, une fois par semaine, tous les jeudis, je participais à une émission live d’une radio locale pour répondre aux questions de nos citoyens et citoyennes.
Quelle collaboration as-tu développée avec les villes voisines belges et françaises?
En période de crise, c’est la solidarité qui prime. Avec la marge de manœuvre que nous avons en tant que bourgmestre pour agir sur le local, j’ai contacté les autorités voisines belges et françaises pour savoir comment elles s’organisaient.
Vu que Comines-Warneton fait partie du bassin de la Wallonie picarde, nous avions créé au début de la pandémie un groupe Whatsapp réunissant les bourgmestres de cette région, toutes tendances politiques confondues. Cela nous a permis de pouvoir échanger sur une série de problèmes que nous rencontrions dans chacune de nos communes respectives. Je pense notamment à la distribution des masques, et à la diffusion de l’information.
A l’initiative du ministre Jean-Luc Crucke et avec les bourgmestres des communes avoisinantes de Comines-Warneton, nous avions lancé une collaboration avec les responsables syndicaux pour préparer un retour sécurisé au travail lors du déconfinement.
Que penses-tu des mesures prises par le gouvernement fédéral?
Les décisions prises au début de la crise avaient un aspect plus scientifique que politique. Ces mesures ont été choisies en concertation avec un comité d’experts en épidémiologie, de médecine, de psychologie, etc. De ce fait, je pense qu’il était important de les respecter même si certaines mesures pouvaient nous surprendre, notamment celle qui conseillait le port du masque lors de la reprise des cours pour les élèves de maternel et de primaire.
Que penses-tu de la gestion de la crise sanitaire et de la complexité du système institutionnel belge, autant au niveau de la communication du gouvernement fédéral que des autres partis politiques?
Pendant cette crise, il y a eu plusieurs étapes. Au début, il y avait une communication bien concertée et contrôlée. En tant que bourgmestre, je savais quand notre Première Ministre allait parler et je savais rapidement les décisions qui étaient prises. Le problème fut la latence entre l’annonce des mesures et leurs traductions en arrêtés ministériels. Il a fallu parfois attendre une semaine entre les déclarations de la Première Ministre et la réception de l’arrêté ministériel. C’était compliqué à gérer car sur le terrain, nous savions qu’il fallait rapidement prendre des mesures mais nous n’avions pas encore de bases légales et juridiques pour le faire.
Il y a eu aussi des communications chaotiques du PS et de la N-VA où nous nous demandions si l’objectif était de gérer la crise sanitaire ou de faire tomber le gouvernement de Sophie Wilmès.
Une autre difficulté en tant que bourgmestre, apparue lors de la transition confinement/déconfinement, était le manque de clarté dans la communication de certains ministres régionaux et communautaires ainsi que certaines institutions. Des mesures ont fuité à plusieurs reprises dans la presse ou lors d’interviews de mandataires en dehors des Conseils nationaux de sécurité. C’est comme s’il fallait constamment avoir l’oreille branchée sur les médias alors que nous étions déjà occupés à gérer la situation sur le terrain.
Quels sont les impacts de la crise sur ton travail et ta vie privée? Quelles leçons en tires-tu?
Quand la crise a débuté, la liste des dossiers prioritaires à traiter a complètement changé. Gérer cette pandémie devenait la priorité absolue. De ce fait, j’ai commencé à lire et à penser au coronavirus à longueur de journée. Même si le Collège continuait de se rassembler toutes les semaines, tout tournait autour du Covid-19. Pendant près de 2 mois, il n’y avait que ce virus qui était dans mon agenda. Je devais prendre plusieurs grandes décisions tout au long de cette crise comme adopter une bonne communication, s’assurer de la confection et la distribution de masques.
Cette crise a également modifié l’agenda local pendant plusieurs mois car tous les évènements publics, repas associatifs, et mariages à célébrer étaient annulés.
Le mot de la fin
Je résume cette crise en un mot: la solidarité. Nous avons pu collaborer avec plusieurs niveaux de pouvoir, avec plusieurs mandataires publics et bourgmestres des communes alentours, et, au sein de la population, avec beaucoup de bénévoles qui se sont réunis pour réaliser près de 14.000 masques. C’est aussi la solidarité qui nous permettra de sortir de cette crise.