Diviser… et mieux régner ?

Par Gauthier Jacques, journaliste Piccolo

Alors que la ministre de l’enseignement supérieur en France souhaite purger l’université de l’islamo-gauchisme, le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » a le vent en poupe.

À la suite de l’assassinat du professeur Samuel Paty par un fanatique islamiste, le CCIF (Comité contre l’islamophobie en France) a été dissout le 2 décembre dernier. Mais d’où vient cette loi permettant la dissolution administrative de groupes ou groupuscules considérés comme perturbateurs ? 

Tout commence le 6 février 1934. Ce jour-là, une grande manifestation est organisée à Paris avec, notamment, les ligues d’extrême droite. Elles protestent toutes contre le renvoi du préfet de police Jean Chiappe (1878-1940), acquis à leurs idées, et dénoncent par la même occasion un régime rongé par la corruption. Malheureusement, la manifestation, au départ pacifique, tourne à l’émeute. Bilan ? 15 morts

C’est dans ce contexte que naît la loi du 10 janvier 1936 « sur les groupes de combats et milices privées ». Cette nouvelle loi permet au pouvoir exécutif de prohiber une association légalement constituée ou un groupement de fait qui chercheraient à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à renverser la République. Grâce à ce nouvel outil juridique, les ligues nationalistes sont interdites entre février et juin 1936. Mais cette loi sera utilisée également à d’autres effets. Dès 1937, elle sert notamment à réprimer l’indépendantisme algérien ; dès 1968, la formation d’extrême droite “Occident ”; puis en mai 1970, la “Gauche prolétarienne” subissent le même destin.

Au total, entre 1936 et 2013, le juriste Romain Rambaud, a recensé 124 dissolutions administratives prononcées sur la base de cette loi du 10 janvier 1936. Le CCIF serait donc la 125ème.

Source: 

Pinsolle, Dominique. 2021. « Dissoudre pour mieux régner, quand le pouvoir exécutif interdit des groupes radicaux. » Le Monde diplomatique, Mars 2021.