La décadence post-linguistique

Par Gauthier Jacques, journaliste Piccolo.

De nos jours, certains mouvements de gauche – toutes gauches confondues d’ailleurs – tentent d’améliorer et de moderniser notre société contemporaine grâce à des changements aussi futiles que loufoques. Dans cet article d’opinion pamphlétaire et contestataire, je me contenterai de mentionner l’écriture dite non-genrée ou non-binaire. Cette écriture, directement inspirée du politiquement correct, nous plonge dans une décadence post-linguistique. D’ailleurs, dans l’Identité malheureuse, Alain Finkielkraut déclarait : « Le politiquement correct, c’est le conformisme idéologique de notre temps. La démocratie, en effet, c’est-à-dire le droit de tous à la parole, produit du conformisme. L’homme démocratique pense comme tout le monde en croyant penser par lui-même. Il ne se contente pas d’adhérer au jugement du public, il l’épouse jusqu’à ne plus pouvoir le discerner du sien propre » (Finkielkraut, 2013). Ne vous méprenez pas, je ne suis point contre cet homme démocratique, tant s’en faut, mais bien contre toutes les personnes qui tentent de révolutionner le monde à travers de fausses bonnes idées. Bien que la culture soit un des domaines où se déroule une activité spirituelle et créatrice, pour reprendre une autre citation de notre Académicien, cette activité ne doit en aucun cas pourfendre l’hérésie linguistique. 

Reconnaissons que la langue française est très complexe. Entre sa grammaire et son orthographe, les apprenants de la langue de Molière peuvent éprouver de réelles difficultés. Alors pourquoi encore entraver leur apprentissage ? 

L’écriture non-binaire peut se définir comme une forme linguistique neutre, entendez par-là que les notions de « masculin » et « féminin » disparaissent. Cependant, la complexité ne s’arrête pas là puisque le neutre grammatical n’est pas la même chose que le genre neutre (également nommé neutrois). On peut, donc, par exemple être agenre (personne n’ayant aucun genre), demi-garçon, demi-fille, bispirituel (avoir un esprit féminin et un esprit masculin cohabitant en même temps), genre-fluide, etc. et utiliser le neutre grammatical pour se désigner.

D’un point de vue purement linguistique, cette non-binarité entrave la compréhension et probablement l’apprentissage de la langue française, bien que cette information ne soit pas scientifiquement vérifiée, étant donné la nouveauté de ce phénomène. Cependant, nous pouvons supputer que cette nouvelle écriture entrave la compréhension d’une langue déjà complexe. J’en veux pour exemple les différentes manières d’écrire le phonème [ɛ̃] en français. On peut l’écrire avec /in/ (intéressant), /im/ (important), /ein/ (ceinture), /ain/ (pain), /aim/ (faim), /yn/ (lynx), /ym/ (symbole). Il existe une pléthore d’autres exemples mais nous nous contenterons de celui-ci. Si l’écriture non-binaire souhaite éviter les discriminations, elle en génère indubitablement par sa complexité. Comme le montre le tableau suivant, la langue française connaîtra de nouvelles formes lexicales, verbales, etc. 

 

Source : http://uniqueensongenre.eklablog.fr

Autrement dit, par souci d’inclusion, nous préférons compliquer la langue française mais nous n’avons pas pensé un seul instant que nous allions discriminer toutes les personnes éprouvant déjà des difficultés lors de leur apprentissage. Certains linguistes seront opposés à cet avis mais je prendrai l’exemple suivant pour montrer la complexité et l’idiotie de cette nouvelle écriture. 

Exemple 1 : « Il est beau » (français standard).

Exemple 2 : « Ille est belleaux » (français dit « non-binaire »). 

La première question qui se pose est la suivante. Comment prononcer Ille ? Rien de plus simple. Ce mot se prononce comme le Il (du français standard). Pour une écriture qui souhaite éviter toutes discriminations mais qui garde la même prononciation phonétique masculine, pardonnez ce satisfecit, mais je trouve cela quelque peu étrange. Ensuite, la forme belleaux est identique au singulier et au pluriel. Certains y verront une facilité, j’y vois une incompréhension. Admettons.

L’hérésie linguistique ne s’arrête pas là. La terminaison des noms féminins et masculins, pour les professions par exemple, sont remplacés par /x/. « Un avocat » s’écrira donc « Um avocax ». Un chanteur et une chanteuse s’écrira désormais « chateureuse ». Peut-on me garantir qu’il n’y aura aucun caractère humoristique quand nous dirons que lu (la) chanteureuse est triste. Le maitre et la maîtresse – qui avait déjà posé problème lors de la féminisation des professions pour avoir deux acceptions dont une quelque peu péjorative – s’écrira désormais « maitré ». Nous pourrions continuer avec une kyrielle d’exemples mais ce n’est pas le but de cet article. 

Une langue doit évoluer sinon elle meurt ! C’est une évidence ! On peut déplorer quotidiennement la disparition des langues comme le relate Claude Hagège dans son ouvrage, paru en 2000, Halte à la mort des langues. Cependant, nous devrions nous attarder sur d’autres aspects linguistiques afin de faciliter l’apprentissage de cette langue et non complexifier ce dernier…

Sources : 

Finkielkraut, Alain. 2013. L’identité malheureuse. Paris: Stock.

Hagège, Claude. 2000. Halte à la mort des langues. Paris: O. Jacob.