La fin d’un monde ?

Par Gauthier Jacques, journaliste Piccolo.

Sommes-nous entrés dans un monde post-industriel ? 

On pouvait lire il y a quelques jours que sur la seule journée du mercredi 28 juillet 2021, le Groenland a perdu 8,5 milliards de tonnes de glace en surface. Il en va de même pour le lendemain, jeudi 29, avec 8,4 milliards de tonnes. Au total, ce sont donc 16,9 milliards de tonnes de glace qui ont fondu au Groenland en 48 heures. Pour donner un ordre de grandeur, Polar Portal indique que toute cette eau pourrait recouvrir la Floride sous 10 cm. Si ce parallèle ne vous suffit pas, le calcul vis-à-vis de la Belgique est lui aussi frappant. Avec 30.689 km² de superficie, notre pays est près de 6 fois plus petit que l’État du sud-est des États-Unis (170.312 km²). Cela veut donc dire que la glace qui a fondu en deux jours au Groenland pourrait mettre tout notre pays sous plus de 50 cm d’eau. Cependant, bien que ces phénomènes semblent se répéter depuis quelques mois voire quelques années, et ce fut encore le cas il y a quelques semaines avec les inondations en Belgique, ils étaient prévus ! 

Nous savons exactement quel sera notre avenir depuis 1972. En effet, à cette date, un petit groupe de chercheurs du MIT avait anticipé ces scénarios : incendies dévastateurs, pandémie galopante de coronavirus, inondations dantesques et autres dérèglements climatiques liés au réchauffement, autant de fléaux que la plupart d’entre nous n’imaginait pas devoir affronter il y a quelques années encore. Tout se trouve dans l’ouvrage intitulé The limits to growth (Les limites à la croissance, rapport appuyé par le Club de Rome [groupe de réflexion préoccupé des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés]). La conclusion est simple : si l’humanité continue à poursuivre sa croissance économique sans tenir compte des coûts environnementaux, elle va droit dans le mur. Mais ce n’est pas tout, sans un changement de comportement radical, la baisse de nourriture disponible, l’épuisement des ressources naturelles et la pollution galopante impacteraient tellement violemment et durablement la qualité de la vie sur Terre dans les décennies à venir, que la population humaine diminuerait drastiquement avant même la moitié du XXI siècle. Pour comprendre comment fonctionne cette théorie, les chercheurs (Donella Meadows, Dennis Meadows, Jørgen Randers, William W. Bahrens III) se sont appuyés sur cinq facteurs : la population, les ressources, la production industrielle, la pollution et la nourriture.

Les chercheurs ont donc généré différents scénarios de développement à l’aide de World3 (modèle de simulation) en faisant varier les hypothèses sur notamment l’innovation, les ressources non renouvelables ou les priorités sociétales. Si divers scénarios en sont sortis, les plus sombres, ceux qui se sont soldés par de fortes baisses de la population, se sont en fait révélés les plus en phase avec l’évolution réelle de ces 50 dernières années.

Les quatre scénarios sont les suivants :

Nom

BAU : Business as usual

Graphique

Description

Rien ne change dans nos comportements (par rapport au passé).

Résultat

Effondrement de la civilisation dû à un épuisement des ressources naturelles.

 

Nom

BAU2 : Business as usual 2

Graphique

Description

On double les ressources naturelles par rapport au premier modèle.

Résultat

Effondrement de la civilisation dû à une pollution excessive ainsi que des conditions climatiques extrêmes.



Nom

CT (comprensive technologies)

Graphique

Description

On double les ressources naturelles par rapport aux premiers modèles mais on parvient à développer et à utiliser des technologies exceptionnellement développées et élevées permettant de limiter la pollution et d’augmenter les ressources.

Résultat

Augmentation des coûts des technologies, déclin de la civilisation mais pas d’effondrement.



Nom

ST (Stabilized world)

Graphique

Description

CT + changement dans les valeurs et dans les priorités sociétales.

Résultat

Tout se stabilise.

Malheureusement, nous sommes à l’heure actuelle dans le modèle BAU2 : Diminution drastique des ressources, croissance démographique incontrôlable, etc. S’il veut espérer pouvoir vivre sur Terre encore quelques siècles, l’être humain se doit donc de créer une société dans laquelle il s’impose des limites à lui-même et à sa production de biens matériels pour atteindre un état d’équilibre, sans quoi il risque bien de sombrer.

Sources :

https://fr.businessam.be/en-deux-jours-la-glace-du-groenland-a-tellement-fondu-quelle-pourrait-inonder-toute-la-belgique-sous-50-cm-deau/?fbclid=IwAR3-kPE8ewlODysTn4qzbW7dZcTKEicNGrU1TcOjr3vy5A5ukiqLd0BPLlc

http://polarportal.dk/en/greenland/surface-conditions/#c8397

https://fr.businessam.be/fonte-des-glaces-nous-sommes-desormais-dans-le-pire-des-scenarios/

https://www.rtbf.be/info/societe/detail_en-1972-un-modele-du-mit-a-predit-l-effondrement-de-notre-civilisation-pour-2040-et-jusqu-ici-il-ne-s-est-presque-pas-trompe?id=10814350&fbclid=IwAR201h66gurnmL0Q3eGVTC5Y-eIeCdBAweXofvwyXNoLTxR2Q0BlUsf0UCg

https://dash.harvard.edu/bitstream/handle/1/37364868/BRANDERHORST-DOCUMENT-2020.pdf?sequence=1&isAllowed=y

http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Limites_%C3%A0_la_croissance#Propositions

Donella Meadows, Dennis Meadows, Jørgen Randers et William W. Behrens, The Limits to Growth, Universe Books, 1972.

Graham Turner, Cathy Alexander, Limits to growth was right, new research shows we’re nearing collapse , The Guardian, 2 septembre 2014 (consulté le 1 août 2021).