Le revenu universel selon Thomas More

Le revenu universel est un revenu mensuel inconditionnel non imposable. Il ne doit pas être confondu avec le revenu minimum garanti (RMG). La plupart des pays de l’OCDE ont mis en place des RMG sauf l’Italie [1], la Grèce et les États-Unis [2]. Avant d’approfondir le sujet, il est nécessaire de préciser que cette conception purement libérale ne date pas d’hier.  En effet, la première mention date de 1516 avec Thomas More.

Thomas More et « Utopia »

Selon l’économiste brésilien Eduardo Matarazzo Suplicy, l’un des ancêtres de ce concept serait Thomas More (1478-1535), l’auteur de l’ouvrage humaniste Utopia (1516).  Cet ouvrage, écrit en latin, dénonce la tyrannie du système politique en général. D’ailleurs Thomas More s’était opposé à la tyrannie du Roi Henry VIII et de sa volonté de schisme avec le pape pour son second mariage. En effet, à l’époque le roi Henry VIII était marié à Catherine d’Aragon, tante de Charles Quint, mais, comme elle ne parvenait pas à enfanter, Henry VIII a tout simplement voulu divorcer afin d’obtenir des héritiers « mâles ». C’est donc tout naturellement que le roi – sans l’aval du pape – se remarie avec Anne Boleyn. Henry VIII provoque donc une rupture avec la papauté en devenant, lui-seul, représentant de la religion anglicane. D’ailleurs, Thomas More refusa d’assister le 1er juin 1533 au couronnement d’Anne Boleyn. Son absence fut considérée par la Cour comme une insulte envers elle. Il est accusé ensuite d’avoir accepté des pots-de-vin mais les charges sont rapidement abandonnées, par manque de preuves. Le 13 avril 1535, ne reconnaissant pas l’Acte de succession du Parlement, il est accusé de haute trahison et emprisonné à la Tour de Londres. Lors de son jugement le 1 juillet 1535, Thomas More est déclaré « coupable de trahison » et condamné à être pendu, éviscéré et écartelé, mais le roi lui accorde une faveur et change sa sentence en décapitation. Ainsi, le 6 juillet 1535, Thomas More est décapité. Il faudra attendre 1886 pour qu’il soit béatifié et 1935, pour être canonisé.

Son ouvrage préfigure le genre littéraire des utopies, récits idéalistes et futuristes. Il y met en scène une société parfaite et dénonce à travers elle la corruption et les aberrations du système anglais, et les injustices envers les plus démunis. Utopia est composé de deux parties. La première partie est un dialogue imaginaire entre Thomas More et Raphaël Hythlodée, qui fait la critique de la chrétienté du début du XVIe siècle, entre pauvreté, guerre, lois injustes et vie de cour. La deuxième partie est centrée sur le monologue d’Hythlodée, qui fait la description d’une île imaginaire du nom d’Utopia. Sur cette île, les habitants sont tous égaux et ne connaissent pas la propriété privée. Ils vivent de facto au sein de clans, dirigés par l’homme le plus âgé de chaque clan. L’agriculture est l’activité principale de cette île. L’administration de chaque ville est faite par un conseil élu et, une fois par an, un sénat de 162 membres se réunit. La discussion publique guide les affaires politiques et il n’existe pas de religion spécifique, juste deux dogmes : l’âme est immortelle et la providence divine gouverne le monde. Toute personne refusant de croire en ces dogmes est exclue de la société, sans violence physique. La galanterie, le flirt et l’adultère sont punis, c’est également le cas pour les relations sexuelles avant le mariage.

Thomas More influence également son contemporain Jean Louis Vivès (1492-1540) dont la réflexion inspira les Poor Laws.  Les Poor Laws, également appelées Lois des Indigents, sont en réalité une allocation d’une aide financière pour les personnes dites pauvres, entre le XVIe et XIXe siècle en Angleterre. Les Poor Laws sont nées de la volonté des Tudors de contrôler les populations pauvres tout en évitant une trop forte emprise des élites sur elles. En 1547, une loi, peu appliquée finalement, autorise de marquer au fer rouge les vagabonds et de les asservir pendant deux ans. En 1572, puis 1576, de nouvelles lois imposent aux paroissiens aisés de payer une somme hebdomadaire dans le but d’aider les plus pauvres (les juges de paix étant chargés de lister la population considérée comme pauvre dans chaque paroisse). En parallèle, des ateliers paroissiaux ont permis à des sans-emplois de travailler.

[1] Les revenus d’assistance existent mais dépendent des régions.

[2] Pour la Grèce et les États-Unis, les revenus d’assistance sont uniquement octroyés aux familles avec des enfants