Cinq années plus tard et le même scénario : Emmanuel Macron affronte Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles en France. Si le mandat d’Emmanuel Macron n’a pas fait l’unanimité auprès des Français, son programme reste nettement moins dangereux pour la Ve République que celui de la candidate du Rassemblement National (autrefois appelé Front National). Entre ses relations avec la Russie et sa vision du futur de la France au sein de l’Europe, Marine Le Pen – plus proche que jamais de l’Élysée – représente une véritable menace.
Toutes les extrêmes, quelles qu’elles soient (religieuses, politiques…), sont nocives : c’est un secret pour personne ! Il en va sans dire que le Rassemblement National, parti politique auquel appartient Marine Le Pen, en fait partie. Même si la candidate refuse de qualifier son parti d’extrême droite, le RN a vu le jour de mouvements néo-fascistes (définition même de l’extrême droite). Lors de sa création en 1972, le parti se nommait Ordre Nouveau avec comme tête pensante François Duprat, un antisémite et fasciste. Après la mort de ce dernier en 1978, c’est Jean-Marie Le Pen qui reprend le parti. C’est alors que l’extrême droite gagne du terrain en France avec des très bons résultats aux élections du Front National (FN). Sont partisans du FN des identitaires, des anciens de la collaboration, des nationalistes révolutionnaires… A la suite des résultats au second tour de la présidence face à Jacques Chirac en 2002, Jean-Marie Le Pen et son parti décident que c’est en rendant ce dernier moins «extrémiste » qu’il pourront continuer à avancer. Si aujourd’hui Marine Le Pen souhaite rompre avec cette image et prendre ses distances avec les idées de son père, l’histoire ne ment pas : dans un parti politique créé à partir de mouvements néo-fascistes, pensé par un fasciste et antisémite, l’extrême droite se fera ressentir dans la plupart des idées.
Sur le plan européen, Marine Le Pen semble affirmer ne plus vouloir d’un « Frexit » comme il y’a cinq ans mais opter plutôt pour une alliance européenne des nations. Cette option, en collaboration avec les autres dirigeants non libéraux de l’Union européenne, n’est, par définition, qu’un Frexit caché. En effet, cette idée rompt l’engagement de la France dans le projet de l’Europe qui se veut unie, démocratique et libérale. Les points fondamentaux du programme de la candidate seraient source de sanctions voire d’expulsion puisqu’ils ne respectent pas les règles européennes.
Marine Le Pen propose un referendum pour modifier la Constitution française afin de la placer en supériorité par rapport au droit international, et donc inverser la règle de l’Union Européenne en vigueur. Pour rappel, depuis 1964 avec l’arrêt Costa contre ENEL, le droit de l’UE prime sur le droit national des pays membres. Pour que ce scénario soit possible, il faudrait que les 26 États membres donnent unanimement leur accord ou, il faudrait que la France s’émancipe indépendamment de cette règle de primauté (ce après quoi elle risquerai des sanctions financières).
En plus de défier les règles de l’UE, Marine Le Pen a l’intention de revoir la position de son pays au sein de l’espace Schengen en rétablissant les contrôles aux frontières pour les personnes non européennes. Or, depuis 1995, à l’intérieur de l’espace Schengen les personnes peuvent y circuler librement. Ce principe repose sur la confiance entre les États membres : chaque pays contrôle les entrées aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Il en va de même pour les entrées de marchandises.
Un autre point du programme de la candidate du RN est la réduction de la contribution budgétaire de la France à l’Europe, ce qui permettrait de récupérer 5 milliards d’euros par an. Seulement, cette proposition ne pourra pas être appliquée dès le début du prochain quinquennat en 2022 puisque le dernier plan budgétaire voté est d’application jusqu’en 2027. Là encore la France risquerait de lourdes sanctions financières.
Marine Le Pen veut aussi la priorité nationale d’accès à l’emploi, au logement et aux aides sociales. Cependant, elle a l’air d’oublier que cette mesure va à l’encontre de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux européens qui interdit les discriminations sur base de la nationalité. Pour arriver à ses fins et passer outre cette inconstitutionnalité Marine Le Pen devrait quitter la Cour européenne des droits de l’Homme, et donc quitter l’UE.
La liste des mesures allant à l’encontre des règles européennes et passibles de sanctions proposées par la candidate ne s’arrête pas là.
Si Marine Le Pen dit s’être mieux préparée au débat qu’en 2017, il y’a néanmoins un point sur lequel elle n’excelle pas encore : la lecture des graphiques et des chiffres. Que cela soit volontaire ou non, elle a toujours réussi à faire dire aux chiffres ce qui l’arrangeait, au détriment de ce qu’ils démontrent réellement. Si ses données sont vraies, elles sont souvent suivies d’un « mais ». Lors du débat d’entre-deux-tours, la candidate l’a encore démontré. Par exemple, elle affirmait que l’inflation est supérieure d’un point à la croissance : l’affirmation est vraie, mais en se basant sur les prévisions pour 2022 de la Banque de France, et non sur la situation actuelle. Même chose pour les chiffres du chômage. Elle a attaqué Emmanuel Macron sur le nombre de chômeurs de toutes catégories confondues (A, B et C) qui était, en 2017, de 5,5 millions et aujourd’hui, ce chiffre n’a baissé qu’à 5,4 millions. Ce à quoi le président sortant a répondu légitimement que de manière générale, les chômeurs de catégorie B et C ne sont pas pris en compte puisqu’ils ont au moins une activité partielle. Sont considérés dans le calcul que les personnes n’ayant absolument pas travaillé lors d’une semaine spécifique, ayant cherché activement un emploi et les personnes disponibles pour travailler dans les deux semaines à venir. Un dernier exemple frappant toujours lors de ce débat : Emmanuel Macron s’est vu accusé de vouloir placer 50 éoliennes sur toutes les côtes sauf celle du Touquet (là où se trouve sa résidence). Sur le site du ministère de la Transition écologique, seuls sept projets éoliens sont en développement, et non pas 50 ! Quant au parc d’éoliennes au Touquet, le projet a été suspendu d’aout à mai 2017 et donc bien avant qu’Emmanuel Macron soit président.
Comment parler de Marine Le Pen sans parler de ses relations avec la Russie et avec Vladimir Poutine ? L’amitié entre le dirigeant russe et la présidente du RN commença en 2013 lors d’une visite de cette dernière en Russie. Cette amitié s’est consolidée lorsque Marine Le Pen avait montré son soutien à la Russie en 2014 durant la crise ukrainienne. À cette époque, elle avait même déclaré que Kiev était, historiquement, le berceau de la Russie et que l’économie de l’Ukraine était grandement liée à la Russie. Plus tard, en 2017, Vladimir Poutine, après un entretien en tête à tête avec la candidate du RN, lui montre à son tour son soutien pour la course à l’Élysée en déclarant publiquement qu’elle était sa favorite. Lors du débat d’entre-deux-tours, Emmanuel Macron a attaqué Marine Le Pen en lui reprochant de s’adresser à son banquier quand elle parle de la Russie. Et pour cause, quelques années auparavant, Marine Le Pen s’est vue octroyer un prêt de 9 millions d’euro au nom du Front National chez First Cezch Russian bank, situé à Moscou. Selon ses dires, c’était la seule banque qui avait accepté de lui prêter autant d’argent alors qu’aucune banque française ne voulait le faire. Ses relations ambiguës avec la Russie sont une réelle menace : si la Russie de Poutine n’est plus l’URSS de Staline, le régime politique n’en demeure pas beaucoup plus démocratique. Se rapprocher du Président russe reviendrait à cautionner ses actions.
Si ce dimanche 24 avril les français ont tranché et ont réélu Emmanuel Macron à 58%, Marine Le Pen a vu son résultat augmenté de près de 8% par rapport aux dernières élections de 2017. Cette hausse témoigne de deux hypothèses : premièrement, les français, pas convaincus de la politique de M. Macron, ont voulu un vent de nouveau pour la France ; deuxièmement, les français ont vu en Marine Le Pen une personne à l’écoute de leurs attentes et de leurs maux. À partir de ces deux hypothèses, il n’est pas difficile de se mettre dans la peau d’un français moyen. De plus, Éric Zemmour (lui aussi candidat pour l’Elysée) a permis à la candidate de paraitre moins extrême et donc de gagner la sympathie de certains français. Dès lors, la priorité est de prévenir au mieux la population des dangers du programme de Marine Le Pen, mais également de tous les autres candidats aux éléctions.