Mise au point sur une justice en déclin !

Par Lucas Magnée, délégué Justice, sécurité, défense, protection des libertés individuelles

Depuis maintenant quelques années, la Justice belge fait parler d’elle, mais pas toujours positivement. Le financement de ce secteur est quelque peu problématique mais les conséquences de ce sous-financement sont encore trop méconnues. Penchons-nous, dès à présent, sur ces répercussions et sur les solutions qui ont été apportées.

Manque de personnel

Le manque de personnel est lié à un déficit budgétaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’il y avait de moins en moins de magistrats, de greffiers, de secrétaires, etc. mais qu’ils étaient en sous-effectif pour fournir un service de qualité aux citoyens.

D’une part, les palais de justice n’ont pas été suffisamment renforcés, ce qui a rendu la charge de travail du personnel trop lourde et a notamment contribué à créer ce qu’on appelle un arriéré judiciaire. D’autre part, les professionnels de la justice se plaignent d’une importante charge de travail ce qui se répercute sur les congés maladie, et qui de ce fait renforce l’arriéré déjà bien présent.

En effet, comme le disait, dans une interview, en 2018 Magali Clavie, ancienne présidente du Conseil supérieur de justice, « La promesse du Ministre de remplir les cadres à 90% est globalement respectée, mais il y a quand même des situations plus problématiques. Au niveau des sièges, on est sous les 90% à Mons et dans le Brabant wallon. Au niveau des parquets, on est à 55% seulement au  Luxembourg ». Ces chiffres qui datent de 2018 montrent bien l’état d’urgence dans lequel est la Justice belge.

Bâtiment en mauvais état

Faute de moyens, un nombre non-négligeable de palais de justice sont en mauvais état car les rénovations et entretiens sont sporadiques. Prenons l’exemple du Palais de justice de Namur, qui n’est plus du tout en état à un point tel que Vincent Macq, procureur du Roi de Namur, n’hésite pas à dire  » Le Palais de justice de Namur n’est pas malade, il est mourant !  » et où d’autres parlent de « risques graves et mortels pour les travailleurs ». Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. À ce titre, nous pouvons également citer le Palais de justice de Bruxelles, pour lequel on pourrait presque affirmer que les échafaudages, qui l’entourent pour sa rénovation, sont aussi vieux que lui !

Cependant, il faut bien faire la différence entre modernisation des palais de justice et entretien. Le premier dépend de la Régie des Bâtiments ; le second, de la Justice. Concernant la modernisation, Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice, nous assure qu’un « Masterplan bâtiment de justice » est prévu dans le budget de 2022. Nous pouvons quand même être conciliant sur la longueur des travaux, puisque ceux-ci ne sont pas uniquement dûs à un déficit budgétaire mais résultent aussi du balais incessant d’audiences, des conditions liées à la préservation du patrimoine et de l’absence de plan précis du palais. 

Et pourtant, nous sommes peut-être plus près de la fin du calvaire qu’il n’y parait, puisque que le secrétaire d’état en charge de la régie des bâtiments au niveau fédéral, Mathieu Michel, a fait de cette affaire un dossier prioritaire et affirme que la fin du chantier est prévu pour 2023. Il s’agit d’une date qui n’est pas un hasard, puisqu’en 2023 nous fêterons le bicentenaire de Palais de justice de Bruxelles. De plus, pour l’entretien des palais de justice, un montant de 6 millions d’euros supplémentaires est prévu chaque année pour mettre à niveau leur entretien et la sécurité des employés. Cette somme découle directement de la hausse de budget de la Justice.

En attendant que le déficit budgétaire de la Justice se résorbe, les cours et tribunaux ont dû faire preuve d’ingéniosité pour trouver des « solutions de fortune ». Nous pouvons citer dans une liste non-exhaustive, la réduction des heures d’ouverture des greffes, l’essai de favoriser le plus possible les modes alternatifs de règlement des conflits ou l’appel à des auxiliaires externes à la justice et temporaires.

Même si les solutions sont là, elles doivent être temporaires puisque la véritable issue est le recrutement.

Ainsi, dans son communiqué de presse du 16 juin 2021, Vincent Van Quickenborne nous déclare qu’un montant de 46 millions d’euros est prévu pour recruter 1 400 personnes supplémentaires, tout métier confondu, dont des magistrats et du personnel d’appui supplémentaire auprès de l’ordre judiciaire.

Selon le ministre de la Justice, lors de ce communiqué de presse, il nous affirme que le budget actuel est de 2 milliards d’euros et que jusqu’à 2024 au moins un demi-milliard devra s’y ajouter. Vincent Van Quickenborne continue en déclarant qu’un montant de 137 millions d’euros qui provient du Fonds européens de relance économique seront investis au cours de la période 2021-2026.

« Ces moyens seront intelligemment investis pour rendre la justice plus rapide, plus humaine et plus efficace », ajoute-il.

La crainte que le statu quo de l’état de la Justice belge peut dès lors commencer à s’estomper, étant donné l’horizon désormais tangible qui peut être entrevu grâce à l’annonce de l’injection de ces investissements futurs. Des investissements, qui, promettent d’être les plus importants que la Justice belge n’ait connu depuis des décennies. 

 

Sources

 

« Insalubre et dangereux, le palais de justice de Namur contraint à une fermeture partielle », RTBF info.